jeudi 3 mai 2012

Pr. Hwang : l’escroc du clonage humain

Tout souriait au professeur Woo Suk Hwang. Il était connu pour  le premier clonage réussi d’un chien, nommé  Snoopy. En novembre 2005, le voici soupçonné de fraudes et de pratiques douteuses.


Woo Suk Hwang et son équipe s’imposent grâce à leurs travaux sur le clonage humain en 2005. Ils étaient déjà les premiers à avoir réussi à cloner un chien, nommé Snoopy, après 123 tentatives. En février 2004, Hwang Woo-Suk, professeur au département de thériogénologie et de biotechnologie de l’université nationale de Séoul, annonce dans la prestigieuse revue américaine Science une prouesse exceptionnelle : il prétend avoir réussi à obtenir une lignée de cellules souches embryonnaires humaines à partir de cellules somatiques par clonage. La recette du professeur sud-coréen ? Simple. Il prélève les cellules du cumulus. Habituellement, le noyau de la cellule à cloner est aspiré avec une micropipette. Les chercheurs sud-coréens ont préféré énucléer en forant un trou dans la paroi cellulaire. Délicatement, ils ont pressé la cellule pour en expulser le noyau qui est sorti moins traumatisé. Le noyau de la cellule à cloner a été ensuite transféré dans l’ovule, cette dernière étape étant la plus complexe.

Cette prouesse technique annonce une nouvelle ère dans le monde de la science. Prenons l’exemple de la maladie d’Azheimer, pour laquelle il n’existe actuellement aucun traitement, sauf une greffe, qui a peu de chance de succès. La seule solution serait de transplanter aux malades des cellules souches embryonnaires, clonées  à partir de leurs propres cellules. Ces clones ont la capacité de se différencier en tout type de cellules du corps humain. Aucun risque de rejet puisque ces cellules possèdent le même code génétique que les cellules « mères ». Elles se ressemblent « comme deux gouttes d’eau. »

En mai 2004, une chercheuse de l’équipe de Hwang annonce dans la revue britannique Nature, qu’elle a été obligée de donner ses propres ovocytes. Il est vrai que les expériences consomment de nombreux ovules qui doivent être fraîchement prélevés pour garantir la réussite du clonage. Mais les comités d’éthique voient cette pratique d’un mauvais œil.

Le 20 mai 2005, le professeur Hwang publie le résultat,  photos à l’appui, de onze lignées de cellules souches dérivées de onze embryons obtenus par clonage. L’article, paru dans Science, est cosigné par Gerald Schatten, chercheur de l’université de Pittsburg et spécialiste en clonage de singes. Hwang Woo-Suk devient le héros national de son pays et il est pressenti pour le prix Nobel.

Le 13 novembre 2005, Gerald Schatten accuse pourtant le professeur Hwang d’avoir manqué à l’éthique. Il lui reproche d’avoir menti quant à l’origine des ovocytes, provenant soi-disant de femmes bénévoles non rémunérées et informées des modalités de l’expérience et de son objectif. Le responsable de l’hôpital Mizmidi à Séoul, Dr Roh Sing-il, reconnaît avoir versé une somme de 1500 $US à chaque donneuse. Après avoir longtemps démenti, le professeur Hwang démissionne de ses fonctions. Ce n’est pas l’achat d’ovocytes qui lui est reproché, même si ce type de commerce a été interdit peu de temps après en Corée du Sud. La communauté scientifique internationale le critique pour son manque de sincérité. Et la descente aux enfers ne fait que commencer pour le héros national.

Lors d’une conférence de presse le 4 décembre 2005, celui-ci avoue, sous la pression de l'Etat, que les photos publiées quelques mois plus tôt, supposées illustrer les onze lignées embryonnaires, sont falsifiées. Tous ces éléments douteux poussent le gouvernement à ouvrir une enquête. Neuf chercheurs sud-coréens sont engagés pour éclaircir l’affaire. Ils découvrent que les lignées n’ont jamais été obtenues. En réalité, sur les onze produites, six ont été endommagées à la suite d’une contamination par des mycoplasmes. Ces bactéries demeurent aujourd’hui la hantise des chercheurs œuvrant dans ce domaine. Hwang Woo-Suk s’est vu obligé de retirer l’ensemble des articles publiés dans Science concernant cette affaire. Aujourd’hui, le professeur est destitué de ses fonctions. Sa carrière est brisée.

Cette fraude a fait débat au sein de la communauté scientifique. Si certains jugent que cette escroquerie n’a fait qu’assombrir l’image des recherches sur le clonage humain, d’autres préfèrent soutenir le professeur sud-coréen. Ces savants n’excluent pas, en effet, la possible réussite de l’obtention de quelques cellules souches embryonnaires par clonage.


Commentaires

En réunissant un certain nombre d’articles sur la fraude commise par le Pr. Hwang, nous constatons rapidement que seul le professeur est incriminé. Or, nous pourrions remettre en cause le circuit de validation des résultats obtenus par les chercheurs. En à peine une année, Woo-Suk Hwang publie deux articles concernant ses recherches sur l’obtention de onze lignées embryonnaires dans la célèbre revue scientifique américaine Science, de renommée internationale. Avant d’être accepté, l’article est soumis à une évaluation et lu par un comité scientifique. Les membres vérifient le respect des règles d’éthique, la qualité des manipulations, la fiabilité des résultats… Or, depuis la naissance de la brebis Dolly, le clonage humain défraie la chronique. La question préoccupe, inquiète et effraie. Il est donc naturel de se demander comment les fraudes du Pr Hwang n’ont été révélées que tardivement, d'autant que la question du clonage est sensible. L’escroquerie du chercheur sud-coréen révèle donc bien des dysfonctionnements dans le système validation.


Par Marion Fras

Bibliographies

« L’expert coréen en clonage, Woo Suk Hwang a-t-il falsifié ses données », Futura Sciences, 22 décembre 2005,

« Hwang Woo-suk, le lobbying et la fraude scientifique (I) », Science21, 8 novembre 2009,

BENSIMON Corinne, « Chute du pionnier du clonage humain », Libération, 17 décembre 2005, rééd.

BONNEAU Cécile, « Quand les scientifiques trichent », Science et Vie, novembre 2008, p. 56-69.

DEGOS Laurent, « Le clonage humain », Sciences et Avenir, mars 2002, hors-série n ° 130, p. 43-45.

DEBERGUE Isabelle, « Le scandale chronique des résultats scientifiques falsifiés : crise du lobbying et des pouvoirs discrétionnaires », Agaravox, 26 mai 2006,

DEZULARCHE Céline, « Les fraudes du professeur Hwang », L'internaute, mars 2006,

GRAVEL Pauline, « Corée du Sud: L'expert du clonage humain, le maître de la fraude? », Le Devoir, 24 décembre 2005,

LAPOINTE Pascal, « Le Watergate du clonage », Agence Science-Presse, 9 janvier 2006,

RATEL Hervé, « Clonage, mode d'emploi », Sciences et Avenir, n° 686, avril 2004, p. 60-61.

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